Elle est certainement la plus talentueuse de nos écrivain(e)s et pourtant la sortie de ses ouvrages passe quasi inaperçue. Ce qui a été le cas en février dernier de Zoonomia. Aucun écho ou presque de l’ouvrage de Sandrine Bessora. Un fâcheux oubli.
Quel bonheur de savoir que ce premier tome de « La dynastie des Boiteux » se complétera de trois autres ouvrages. Bessora déroule sur trois siècles leur lignée. Tous sont cruellement marqués par l’esclavage et ses mutilations plurielles. Les uns peinent à se déplacer, les autres à s’exprimer, quand ce n’est pas l’esprit lui-même qui bat la campagne. Dans ce premier volume, « Zoonomia », nous suivront le destin chaotique de Johann, 15 ans, débarqué de la Réunion à Paris au milieu du XIXe siècle. Bâtard et métis, il est à la recherche de son père, un aventurier qui a fréquenté un temps l’île Bourbon. Sans déflorer ici le chemin de l’adolescent, c’est aussi cette vigueur du style qui étonne. Inclassable. Si incisive d’ailleurs que certains la comparent volontiers à Nathalie Sarraute ou Raymond Quenaud. Au contraire du père de Johann, ce sont des parentés qui honorent.
A 50 ans, la fille du diplomate gabonais Saturnin Nan Nguéma n’en est pas à son coup d’essai. Elle qui songeait un moment à devenir… hôtesse de l’air, aura d’abord fait carrière dans la finance et suivi des cours d’anthropologie. L’écriture viendra quelques années plus tard avec « 53 cm » (1999). La critique la remarque d’emblée et les récompenses aussi. En 2001, Sandrine Bessora reçoit le prix Fénéon pour les « Tâches d’encre ». Suivront en 2007, le Grand prix littéraire d’Afrique Noire, et le Pen Promotes Award (2016). Objet de cette distinction, son roman « Alpha » qui aborde la thématique de l’immigration.
Quand le rêve vire au mirage
Mais qu’en est-il de ses relations avec le Gabon ? D’abord il y a son père et ces liens puissants qui les unissaient. Ensuite il ya aussi un pays qui l’interroge durement. « C’est quoi, le Gabon ? » Je demande à mon père, alors que petite fille je découvre cette terre inconnue. Nan Nguema me répond : « Tu verras, Aya. » Le Gabon est donc une promesse. Un rêve, meilleur que le pétrole, l’ignorance, la misère. Mais le rêve vire au mirage (…). Mon père est mort, en novembre. Que son rêve pour le Gabon s’accomplisse. »
Il faut donc découvrir cette grande dame de la littérature africaine. Aucun sujet ne la fait hésiter. Et derrière cette écriture foisonnante, qui tourne comme le vent, se lit une profonde humanité. « On ne peut pas être explorateur quand on est exploré, être celui qui observe quand on est observé. Ça le rend fou, et il veut réaliser son rêve, être le premier voyageur à voir le gorille. Et il va réussir. En mentant, en rusant, certes, mais il réussit. L’idée, c’était aussi de montrer que lorsque l’on est traité comme une chose on peut tout de même devenir une personne. »
La rédaction