Les attaques se multiplient contre les centres de traitement d’Ebola. Au Nord-Kivu, le virus est devenu une arme de guerre. Après le viol et le Sida, destruction massive !
Cette fois, ils sont arrivés au petit matin, lourdement armés. Selon les forces de sécurité, des assaillants issus de groupes paramilitaires. On ne sait jamais avec précision. Depuis une semaine à peine, le ministère de la Santé, soutenu par l’Unicef, avait annoncé la réouverture de l’unité sanitaire à Butembo. Elle est l’un des principaux centres de traitement au Nord-Kivu.Cette attaque, début mars, puis une autre le 19 avril, ne sont pas un hasard. Le 24 février déjà, des agresseurs non identifiés avaient attaqué le CTE de Katwa. Plusieurs parties de la structure seront incendiées. Les dommages étaient lourds et l’équipe de MSF évoquait le possible décès d’un parent de malade. Coordinateur des urgences MSF, Emmanuel Massard déplorait déjà « les conséquences de ces actes. A commencer par le traumatisme pour les patients, les proches et le personnel soignant. Nos réactions à l’épidémie sont affaiblies. Les populations ont désormais peur de venir aux centres. »
En août 2018, la province du Nord-Kivu et celle d’Ituri (nord-est) étaient déclarées comme zones d’épidémie. Après quelques succès dans l’arrêt de la transmission, notamment sur les épicentres de Mangina et de Beni, l’épidémie s’est étendue de 4 à 19 zones de santé. En février dernier, près de 700 cas confirmés sont enregistrés. Un mois plus tard, le seuil des mille est atteint et le nombre de décès s’élève à plus de 600. Un chiffre en constante progression, malgré les campagnes de vaccination. Le ministère de la Santé estime à plus de 86 000 personnes, notamment les proches de victimes et les équipes soignantes. Mais cette action n’est efficace que si la population vient aux centres.
Des agents de santé victimes d’agression et de menaces
La volonté des groupes armés est donc de détruire cette confiance. « Nous savons que les acteurs de la réponse contre Ebola – y compris MSF – n’ont pas réussi à gagner la confiance d’une partie importante de la population », explique Meinie Nicolai, directrice générale de MSF.Sans confiance, les malades et les morts restent cachés. Les risques de propagation augmentent donc. D’autant plus que les agents de santé sont aussi victimes de menaces et d’agressions. Fin février, MSF décide d’interrompre son intervention sur Butembo et Katwa. Son personnel sera relayé par celui d’Unicef. Malgré les mesures de sécurité et le renforcement des troupes gouvernementales, la violence a continué.
Pour Sylvain Kanyamanda, le maire de Butembo, ces récentes destructions seraient le fait des milices Maï-Maï. Tout comme elles se sont servies du viol pour arme de guerre, le virus d’Ebola permet de frapper la population et de la réduire plus encore. « La première fois, ils avaient des armes blanches, des machettes, des couteaux et des bidons d’essence. Hier, les Maï-Maî sont venus avec des armes lourdes. Les échanges de tirs ont duré plus d’une demi-heure. Un membre du personnel soignant a été touché. » Selon plusieurs sources, un policier aurait été tué.
Dans ce climat de totale insécurité, les conséquences vont être désastreuses. Un médecin de l’Unicef évoquait ainsi le cas de cette femme. « Elle a veillé un parent, jusqu’à sa mort et quand on a diagnostiqué la maladie, elle a refusé d’être soignée dans notre structure. Elle a donc préféré rentrer chez elle et se faire suivre par un tradi-praticien. La maladie s’est déclarée. Elle en est morte. » Combien de personnes l’ont approchée? Les Maï-Maï visent juste. Leur arme est invisible et va plus vite que les balles.
« Nos équipes n’ont pas réussi à gagner la confiance d’une partie importante de la population » ( MeinieNicolai, directrice générale MSF)
Par Roger Calmé
Photos MSF