La déforestation est une catastrophe écologique au Kenya. Pour grande partie, le bois coupé part à la cuisson domestique. ChebetLesan a cherché (et trouvé) le moyen d’échapper à ce fléau. Un nouveau combustible, une autre façon de vivre.
ChebetLesan ne s’encombre pas de longs discours. Depuis des années, gouvernements et instances onusiennes l’ont fait. Des kilomètres de rapports alarmants… et une impuissance répétée. « Au Kenya, plus de 80% de la population urbaine utilise du bois de chauffage et du charbon de bois dérivé pour la cuisson et le chauffage. » Traduction, le bois nécessaire a entraîné une déforestation massive – une perte de 310 000 ha entre 2000 et 2017, soit 9,3% de sa superficie forestière totale. Conséquences majeures, une incapacité désormais à capter les eaux de pluie. Les rivières et les lacs s’assèchent, le bétail meurt. A cela, il faut encore ajouter les dommages sanitaires, cancers et autres affections pulmonaires. ChebetLesan ne cherche pas plus loin. Le tableau est clair. Et si l’on agissait maintenant ?
Diplômée en design industriel, cette femme s’est convaincue très tôt que son travail devait avoir un impact social. D’un naturel discret, elle cherche des solutions innovantes, applicables au quotidien de la population. L’idée d’un carburant nouveau, moins impactant, lui paraît très appropriée. « Je savais que la plupart des gens à faible revenu utilisaient beaucoup de charbon de bois parce que le gaz et l’électricité étaient trop chers. La plupart d’entre eux se fichaient de la préservation de l’environnement, mais du moyen le plus économique de fournir des repas à leur famille. »
Sans aucun marketing
Comme elle n’est pas du genre à trop se poser de questions, Chebet a donc potassé la question technique. En gros, concevoir des machines et produire des briquettes à base de végétaux récupérés, puis brûlés et compactés. Le produit est nouveau, sans autre support marketing que le bouche à oreille, et il convainc. Les réseaux sociaux prennent ensuite le relais et en trois années à peine, on retrouve un peu partout à Nairobi ces cylindres combustibles. Les zones les plus populaires de la capitale ont leurs dépôts, Eastleigh, Langata, South B ou South C … Et l’on parle désormais de livraisons au consommateur, à celles et ceux qui ignorent les centres commerciaux.
Récemment distinguée aux Cartier Women’s Initiatives, son entreprise Bright Green Kenya accumule les récompenses. Depuis 2016, ses hangars de Nairobi ont produit plus de 500 tonnes de ces briquettes, déclinées en trois gammes, pour la cuisson alimentaire rapide, celle des céréales ou le chauffage des étables, pour les animaux. Et Chebet continue de penser. « Grâce aux Cartier Awards, nous voulons accroître l’accessibilité à nos matières premières et réduire le fardeau logistique des petits agriculteurs. » A 29 ans, elle n’a jamais oublié la hutte de sa grand-mère, noyée dans la fumée. Une case comme celle de millions d’Africain(e)s. Il serait temps d’agir, sourit-elle. « Si vous voulez lancer une start-up, commencez par le peu que vous avez. Les gens finiront par remarquer ce que vous y avez mis et les investisseurs viendront. (…) Votre âge et votre sexe ne détermineront jamais votre succès. »
Juste du bon sens. Chaque année, la déforestation coûte quatre fois plus d’argent au Kenya qu’elle n’en rapporte. Un désastre écologique, une catastrophe sanitaire.
« Si vous voulez lancer une start-up, commencez par le peu que vous avez. Les gens finiront par remarquer ce que vous y avez mis et les investisseurs viendront. »
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La rédaction