La volonté des plus hautes autorités de permettre l’accès des PME, TPE gabonaises aux marchés publics comporte un paradoxe que révèle les procédures aux réponses des appels d’offres. Francis Jean Jacques EVOUNA, Président du Conseil Gabonais du Patronat (CGP) nous donne les contours des difficultés de ces petites entreprises qui pourtant sont les acteurs majeurs de la croissance et de l’emploi dans une nation…Entretien
Ginews: Monsieur le Président, l’accès des TPE et PME à la commande publique est encore trop complexe ? Que dites-vous au Gouvernement de Transition à cet effet ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : La commande publique est un formidable levier de croissance pour les TPE et les PME et un excellent moyen de stimuler l’innovation. Pourtant, la prise de conscience gabonaise sur ce sujet peut sembler tardive. Pour preuve, qui peut reconnaître que faute de données comparables, il est alors « impossible de savoir si la part des TPE et PME dans la commande publique avait augmenté ou diminué au cours des dix dernières années » ! Où en est-on aujourd’hui ? Si les TPE et PME représentent 80 % des entreprises, elles ne bénéficient que de 8 % des contrats de marchés publics en nombre, et à peine moins de 10, % en montant. Les grandes entreprises, représentent quant à elles 92 % des contrats mais surtout 90 % des montants engagés. C’est là que le PCTRI doit frapper du poing sur la table s’il prône vraiment Gabon d’abord et la décision d’octroyer des marchés de 150 millions de de FCFA aurait tout son sens mais comment est-ce que cette décision est-elle mise en œuvre ? même je trouve le montant insuffisant, pourquoi pas un milliard ? En encadrant juridiquement tout cela ?
Faut-il simplifier les procédures de réponses aux appels d’offres ?
Dès la réponse à l’appel d’offres, les TPE et les PME sont pénalisées, parce qu’elles ne disposent pas des ressources spécialisées en interne pour répondre avec tout le formalisme requis par cette procédure. Puis, pendant la phase d’examen des candidatures, elles sont aussi en position délicate, difficilement compétitives avec les prix tirés et les économies d’échelle des grands groupes. Enfin, lorsqu’elles parviennent à obtenir un marché, les petites entreprises doivent avoir les reins suffisamment solides pour supporter les délais de paiement du secteur public, ou de leur donneur d’ordre. Tous les contrats ne sont bien évidemment pas délégables à des petites entreprises, mais il existe certainement une marge de progression. Les organisations patronales font régulièrement des propositions à ce sujet, et certaines sont particulièrement dignes d’intérêt : simplifier les procédures de réponses aux appels d’offres ; favoriser la qualité par rapport au prix dans le choix de l’entreprise, afin de ne pas privilégier les « géants » du secteur ; encourager le regroupement de TPE, PME pour accéder à des contrats d’un montant élevé.
Président, il nous revient que les TPE et les PME sont écrasées par la multiplicité des normes juridiques, Que peut faire le CGP ?
Je pourrais vous dire effectivement que le miracle gabonais de la multiplication des normes peut prêter à sourire, tant il est commenté. Pourtant, c’est aussi une incroyable source d’inégalité entre les entreprises. Par exemple, un boulanger ne dispose que rarement d’un directeur juridique et un transporteur n’a pas toujours un juriste fiscaliste à disposition. Dans les grandes entreprises, au contraire, des services juridiques, des DRH et des cabinets d’avocats assurent à la fois un travail de veille juridique, d’anticipation des réformes, de mise en conformité et de conseil. Pourtant, les lois sont les mêmes pour tous, ou presque. Incapables d’absorber un tel rythme de nouveaux textes, les TPE, les PME subissent une véritable insécurité juridique. Nous devons avoir recours à des lois de simplification pour supprimer régulièrement les charges administratives qui pèsent sur les entreprises : réduction de la bureaucratie, simplification des procédures fiscales et sociales, des normes environnementales, etc. C’est ce à quoi le CGP appelle le PCTRI et son Gouvernement de Transition….
Pourquoi les TPE et PME ont-elles des taux d’imposition plus élevés que les grandes entreprises ?
C’est un fait relativement peu connu : Mais selon plusieurs études, le taux implicite d’impôt sur les bénéfices des TPE et PME est plus élevé que celui des grandes entreprises. Il faut dire que les grandes entreprises peuvent bénéficier d’optimisations fiscales, notamment au sein des groupes internationaux. Ce sont des dispositifs inaccessibles aux TPE et PME ! De ce fait, est-il normal qu’un artisan paie proportionnellement plus d’impôt sur le bénéfice qu’une multinationale ? Encore une fois nous pensons que c’est au gouvernement de la Transition de réparer ce genre d’injustices. Je voudrais quand même insurger contre le Ministre de l’Economie et des Participations qui n’a pas le temps de recevoir les structures patronales du segment PME, peut-être que l’économie ne se fait qu’avec les grandes entreprises regroupées au sein de notre grande sœur la FEG. La pensée unique en économie peut aussi nous rattraper puis-je imaginer …
Monsieur le Président, les établissements bancaires sont plus que frileux à accorder des crédits aux TPE et aux PME, que pensez-vous de cet état de fait ?
Plus que l’indicateur d’obtention des crédits, c’est celui de recours au crédit qui doit nous alerter. Comment expliquer que des TPE et PME n’aient pas recours à un financement de trésorerie, pour croître, répondre à un appel d’offres, lancer une nouvelle commande, ou se lancer à l’international ? L’offre de financement n’est pas adaptée. Les freins au développement des entreprises artisanales résident moins dans un rationnement des financements bancaires que dans une absence de connexion entre les besoins des entreprises et l’offre de financement. L’offre bancaire traditionnelle n’est pas adaptée aux TPE, aux PME et c’est une inégalité de plus entre les entreprises. Les TPE et les PME ont besoin d’offres de financement souples, gérables à la facture, en ligne, apportant une réponse rapide, à des coûts raisonnables. Pas d’offres monolithiques et complexes taillées pour les grandes entreprises. Ces besoins nous les avons compris et nous devons les développer avec des offres modulables et adaptées aux entrepreneurs. Les inégalités économiques entre TPE/PME et grandes entreprises donnent, dans certains cas, une impression de « David contre Goliath ». Pour parer à ces moyens inadaptés, les pouvoirs publics doivent mettre en place des solutions à destination des dirigeants de TPE, experts-comptables, auto-entrepreneurs. Et si l’on allait plus loin en imaginant un ministère de l’égalité TPE/Grandes entreprises ? Nous verrons que le rôle essentiel des TPE-PME pour l’économie gabonaise serait affirmé.
FRANCIS JEAN JACQUES EVOUNA, votre mot de fin !
Pour clore notre entretien, je formule le vœu de voir le PCTRI et le Gouvernement de Transition placer les TPE et PME au cœur de la Transition. Car ce sont elles les acteurs majeurs de la croissance et de l’emploi, nos entreprises, riches de leur dimension humaine, doivent irriguer le tissu économique à travers l’ensemble du territoire national. Elles doivent être entendues, respectées et soutenues. C’est pourquoi, lors de notre audience avec le Premier Ministre, Chef du Gouvernement de la Transition, j’ai souhaité qu’il organise les assises économiques avant le Dialogue National d’avril prochain. D’ailleurs, je profite de cette occasion pour solliciter une audience avec le PCTRI S.E le Général de Brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA et les organisations patronales du segment PME comme il l’a fait avec notre grande sœur la FEG. Le secteur privé est composé de plusieurs organisations patronales.
Je vous remercie .