Au cours d’une interview accordée à notre rédaction, le président du conseil gabonais du patronat (CGP), M. Francis Jean Jacques EVOUNA a fait un tour d’horizon sur la situation du pays, avant de proposer des pistes de solutions pour sortir le Gabon de l’ <<impasse>> dans laquelle il se trouverait actuellement.
Ginewsexpress : Bonjour Monsieur le Président ! La situation socio-économique et même politique semble préoccupante dans notre pays , voire alarmante. Que pensez-vous dire à ce sujet ?
Francis Jean Jacques Evouna : Bonjour, Messieurs les vecteurs de changement de mentalité et d’attitude , je vous remercie de m’accorder autant de sympathie en décidant de vous-même de partager avec ma modeste personne dans vos colonnes en tant qu’homme publique, mieux en tant que leader d’opinion , les questions d’actualité politique, économique , sociale et écologique dans notre pays. Je souhaite profiter de cette occasion spéciale que vous m’offrez de présenter au peuple Gabonais , à nos institutions , aux Représentants des pays amis et frères du Gabon , mes vœux les meilleurs pour cette nouvelle année 2022. Puisse t-elle nous être propice à tous égards et que Elohim, le Dieu créateur se souvienne de nous sa créature. Ceci dit vous faites un constat sans complaisance de la situation globale de notre pays tant sur le plan socio-économique que politique et vous la qualifiez d’alarmante .
En réponse de votre interrogation, tout à fait fondé, je voudrai vous dire que l’on a pas besoin de sortir d’ Harvard , l’université , pour faire ce constat et affirmer cette vérité , il est important de savoir que sur le plan socio-économique notre pays est entré dans une double crise. La première est d’ordre économique et la deuxième est d’ordre sanitaire dû à la pandémie du covid-19.
Nous devons donc nous souvenir que notre pays le GABON est durement impacté pour ce double choc ou par ce double choc.
Notre économie étant très largement dépendante de l’exploitation de nos matières premières, le pétrole, le minerai, le manganèse, uranium etc. Je peux vous assurer que le secteur pétrolier demeure aujourd’hui le poumon de l’économie gabonaise, car il représente 81,5% des exportations, il représente 46,3% du PIB et 62,5% des recettes budgétaires .
La chute brutale des cours du pétrole en 2014 a entraîné donc de rapides dégradations des comptes gabonais , par une baisse de recettes bien évidemment issu du pétrole. 475 milliards en 2016 contre 1460 milliards de FCFA en 2014.
Une dette publique qui est passée de 54% en 2016 pour atteindre aujourd’hui 76% de PIB , soit un montant global de, ce qui se situe en terme de dette extérieure autour de 7458 milliards , évidemment l’ampleur de cet impact démontre une vulnérabilité de notre model économique ancré depuis plusieurs décennies , disons un demi-siècle autour de l’industrie pétrolière , donc une économie de rente qu’il faut plutôt transformer en économie de production et ceci donc par le processus de diversification de celle- ci afin de contenir les chocs extérieurs .
Il faut donc noter que, sur les très hautes instructions du chef de l’Etat , un plan de relance avait été mis en place par le gouvernement et qui devait courir de 2017 à 2019 , ce plan a été appuyé par le fond monétaire International et il consistait à restaurer la stabilité macroéconomique, à jeter les bases d’une croissance inclusive et à assurer la viabilité de la dette .
Malheureusement ce plan de relance n’a pas atteint les objectifs qui lui ont été assigné et son bilan reste mitigé. En réalité pour renoncer à la dépendance aux matières premières , donc à la faible diversification de l’économie , notre pays cherche à relancer son secteur agricole: notamment le cacao , le café et l’huile de palme.
Et ce en voulant également investir environ 600 millions d’euros dans ce secteur là en 2020 , c’est ce que le gouvernement avait prévu de faire , il a également tenté de transformer l’industrie forestière au niveau locale au cours de ces dernières années pour accroître sa valeur ajoutée. Mais encore une fois le bilan reste encore à surveiller.
L’Etat envisage également de développer le tourisme notamment l’eco- tourisme pour profiter de son patrimoine forestier , mais le GABON veut lancer un vaste programme d’investissement public contenu dans le PSGE pour devenir l’une des économies plus rapide en terme de croissance d’ici à l’horizon 2025 .
Mais tout ceci ne peut être possible que si les caisses de l’Etat disposent des recettes conséquentes pour se faire. Hélas ce n’est malheureusement pas le cas .
Le gros handicape que nous avons dans cette situation et que notre pays est classé , pays à révenu intermédiaire de la trans- supérieure avec un PIB par habitant supérieur à ceux de ses voisins.
Toutefois, les indicateurs sociaux sont très loin de la réalité sur la richesse du pays , parce qu’il faut noter que plus d’un tiers de la population vit en dessous de seuil de pauvreté , c’est à dire avec près d’un dollar et demi chaque jour. Et le chômage est très élevé , il est porté à 34% surtout sur des jeunes de moins de 30ans. Il existe également un écart important entre le développement économique des populations urbaines et rurales , entre les loyers des villes qui ont explosés en raison de l’exode des zones rurales vers les villes et les quatres grandes villes du Gabon abritent plus de 85% de la population.
Conscient des limites d’une économie dépendante de ses ressources naturelles, le Président Ali Bongo Odimba a présenté un plan stratégique << Gabon émergent>> dans le cadre de son accession au pouvoir en 2009 . Axée autour de trois piliers ( Gabon vert, Gabon industriel, Gabon des services ) , la mise en œuvre de ce plan reposait sur un développement de l’investissement public.
Mais , il est malheureusement observé que cette volonté du chef de l’État n’a pas été traduite véritablement dans les faits. Cependant d’importants investissements dans l’industrie agroalimentaire et principalement le fait d’Olam , groupe détenu par le fond souverain Singapourien qui a investi près de 2 milliards Us depuis 2010 , notamment dans la culture du palmier à huile et l’hévéa. L’interdiction d’exploiter les grumes en 2009 et la création concomitante d’une zone franche consacrée à l’industrie du bois , s’inscrit également dans ce mouvement de diversification et de valorisation des ressources .
Aujourd’hui , le secteur du bois est le deuxième poste d’exportation du Gabon et représente 11% des exportations totales . Il est tout de même important de savoir aussi que l’impact économique de la crise sanitaire pourrait être moins important que redouté.
Après deux exercices atones croissance , deux fois inférieure à la moyenne de la sous-région . En 2019 , notre pays a renoué avec une croissance un peu plus vigoureuse ( 3,6%) . Ce rebond est largement porté par une relance du secteur pétrolier avec pour la 1 ère fois depuis 3 ans , une production orientée à la hausse . Un peu long mais il est important que l’opinion soit informée .
Que devrait faire l’État pour sortir de cette impasse ? Avez-vous quelques pistes de solutions ?
Il s’agit ici messieurs les journalistes d’une vraie question pertinente. Devant , les problèmes de récessions , de chômage , de déficits extérieurs et déficits intérieurs , l’Etat doit mettre en œuvre pour corriger ces déséquilibres des politiques économiques et il est important de savoir quels sont les objectifs que les pouvoirs publics souhaitent atteindre eux-même car il y a une panoplie d’outils et instruments de politiques économiques.
Deux me paraissent essentiels dans ce cas , c’est la politique budgétaire et la politique monétaire. L’Etat devrait aussi prendre en charge les politiques structurelles qui ont pour but de préparer l’avenir du pays.
Il faut donc restructurer et réorganiser notre économie voire la remodeler , de manière à ce qu’elle réponde mieux aux nouvelles exigences du marché. Pour ce faire, il faut que nos dirigeants acceptent de solliciter nos experts locaux parce que nous avons de la ressource humaine compétente nécessaire à la réalisation de cet objectif.
Plusieurs pistes de solutions sont possibles pour sortir de cette impasse. L’Etat doit impérativement règler la dette intérieure vis-à-vis du secteur privé qui est une source de recettes sûre pour le budget de l’État , le secteur privé paie beaucoup d’impôts et taxes qui permettent aux pouvoirs publics de réaliser ses projets communautaires ( infrastructures routières , Hôpitaux et matériels médicaux etc …).
Il faut favoriser la croissance économique qui devrait combler automatiquement les déficits , il faut revisiter la fiscalité qui est au coeur de la politique budgétaire pour éviter au maximum la pression fiscale aux entreprises . Il nous faut élaborer un plan de sauvetage de l’économie gabonaise et dans ces conditions instaurer un dialogue permanent entre les acteurs économiques , les experts comme je venais de le dire tantôt et les autorités gouvernementales.
Il est impérieux de diversifier notre économie qui reste encore très faible pour permettre d’amortir les chocs causés par la chute brutale des cours du pétrole.
Votre mot de fin !
Je voudrai conclure cet entretien de quelques minutes avec vous en disant que nous devons créer un <<observatoire de l’éthique du débat et de la qualité démocratique >> pour améliorer notre qualité démocratique un cadre de promotion de l’éthique et de la délibération et de décision , et leur mise en œuvre bien entendu qui n’a rien à voir avec le Conseil National de la Démocratie ( CND) . Il est impérieux de mettre en place un meilleur contrôle citoyen sur les dépenses publiques en organisant un processus démocratique permanent d’évaluation et de révision des différents politiques économiques en y associant dans chaque cas un jury citoyen.
Il importe de mettre en œuvre de nouveaux indicateurs guidant l’action économique dans le cadre d’une approche de développement durable , instaurant une transparence de résultats et méthodes employés et permettant une évaluation objective dans la durée et en comparaison avec d’autres nations.
Je vous remercie !