Francis Jean Jacques EVOUNA, Président du Conseil Gabonais du Patronat « CGP », en homme avisé, fait une analyse des 10 ans de magistère du président de la république, Ali Bongo Ondimba notamment sur le plan économique. Entretient.
Ginews : Monsieur le Président bonjour ! En 10 ans de pouvoir du Président Ali Bongo Ondimba, quelle analyse faites-vous de l’économie gabonaise ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Bonjour à vous! Avant de répondre à votre question/bilan sur les dix années de S.E ALI BONGO ONDIMBA, sur le plan économique depuis qu’il préside aux destinées du Gabon en tant que Président de la République, Chef de l’État, je suis inspiré par certains principes du libéralisme politique de Benjamin CONSTANT dans son cours de politique constitutionnelle de 1818 , Je cite : « les activités sociales réglées par l’État doivent être clairement distinguées des intérêts privés, où priment les libertés individuelles ». Pour cela, il est nécessaire d’établir des institutions qui définissent ces champs de compétences et assurent la sauvegarde de la liberté : c’est le premier objet de la constitution. Celle-ci doit définir le pouvoir de l’État, mais aussi régler la dévolution et l’organisation du pouvoir afin d’éviter que sa croissance inconsidérée n’aboutisse à l’arbitraire et ne remette en cause les droits des citoyens. Ceci dit, je vais vous donner mon point de vue sur l’économie gabonaise en dix ans de pouvoir passé par le Président Ali BONGO ONDIMBA à la tête du Gabon notre pays. Il faut commencer par vous dire que l’impression que les décisions du Président Ali me donnait à sa prise de pouvoir c’est qu’il était un libéral, qu’il était animé d’une volonté de changement du Gabon par une rupture de ce qui se faisait et d’instaurer une société plus juste et plus égale, d’où les deux projets de sociétés : l’Avenir en confiance et l’égalité des chances. Il y a eu des ratés au niveau des hommes, souvenez- vous que le Président lui-même a parlé des erreurs de casting, la stratégie et les moyens à employer pour y parvenir. Au-delà de la grande diversité qui caractérise cet intense bouillonnement idéologique et politique, on peut distinguer deux orientations majeures : La première veut réformer la société de façon progressive et pacifique jusque-là nous tâtonnons alors que lui demande d’aller vite – la seconde entend la révolutionner en détruisant l’ordre ancien pour le remplacer par une organisation sociale plus juste, d’où sa phrase : « Je serais heureux quand les gabonaises et des gabonais seront heureux ». Le socle économique défini par Le Président Ali est contenu dans le Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE) qui était un résumé fait de la Prospective Gabon 2025 et le DSCRP avec les trois piliers : Gabon vert ; Gabon des services et Gabon Industriel. « Notre économie a connu des hauts et des bas pour rester moins technique à causes de la structuration de notre système économique qui est rentière plutôt que productive. Notre économie a connu deux sortes de crises à savoir : la crise conjoncturelle et la crise structurelle. L’on peut faire une approche simpliste de ces crises qui se traduisent souvent par en attribuer la responsabilité à un accident, à un choc extérieur. La mévente du Pétrole par exemple et les prix de nos autres matières< premières. En termes simples ces crises sont le dysfonctionnement ou le blocage des mécanismes économiques. Notre économie n’a pas été dynamique ni compétitive hors mis les années 2010 à 2014 où la croissance économique était à 5,6%. Depuis lors plus rien. Nous sommes tombés à 1,2% du taux de croissance, nous avons atteint un taux d’endettement de près de 64% du PIB. Un taux de chômage très élevé 30% en milieu jeune et une détérioration des termes de change avec un risque de dévaluation du franc CFA etc. Nous avons connu des déficits chroniques qui se sont transformés en dette colossale. Le FMI était dans ces conditions obligé de venir à la rescousse pour appuyer un Plan de relance économique donc le bilan reste mitigé à ce jour selon moi malgré que le FMI observe qu’à court terme les perspectives restent moins favorables à cause d’un ajustement budgétaire prolongé, à moyen terme, observe des perspectives prometteuses de la croissance hors pétrole qui devrait augmenter progressivement avec une meilleure lisibilité dans le secteur minier et l’agroalimentaire notamment l’huile de palme d’OLAM. Il nous faut éviter ces risques macroéconomiques pour envisager véritablement l’Avenir avec enthousiasme ou encore en confiance. Pour cela il faut opter pour des choix rationnels et les décliner avec tous les mécanismes qui vont avec. En économie le choix est au cœur de tous les mécanismes économiques. Le gouvernement devrait faire des réformes dans plusieurs secteurs : les secteurs sociaux en assurant la prévisibilité et la qualité des dépenses sociales, le secteur financier pour inverser la tendance haussière des créances improductives en apurant les arriérés intérieurs, la promotion du secteur privé par la mise en œuvre des reformes structurelles et institutionnelles par une croissance qui devait être porté par le secteur privé et réorganiser le financement public du segment des PME et ce à court terme. Toutes ces reformes prennent du temps à être mise en place. Il y a quand même eu quelques avancées. La création d’un Tribunal de Commerce par exemple, quelques révisions de certains Codes, Le Code Minier, le Code pétrolier etc. Il aurait été judicieux de revisiter voire créer d’autres lois à savoir : La loi sur la modernisation de l’économie, la loi sur la Cohésion sociale, la Charte des investissements en République Gabonaise. Le gouvernement aurait pu mieux faire en suivant le cap fixé par le Président de la République, Chef de l’État et les conseils abondants des partenaires au développement Banque Mondiale, FMI, mêmes les partenaires sociaux etc. Pour que notre pays restructure réellement son système économique actuel par un nouveau modèle économique, un nouveau modèle de croissance etc. Il faut redynamiser les fondamentaux de notre économie par de meilleurs choix, il faut améliorer la gouvernance afin de retrouver le carré magique de Nicolas KALDOR à savoir : Croissance- plein –emploi, stabilité des prix, équilibre des échanges extérieurs. Pour atteindre ces objectifs, l’État dispose d’une panoplie d’outils. Deux sont essentiels : la politique budgétaire et la politique monétaire. L’État doit prendre en charge également des politiques structurelles qui ont pour but de préparer l’avenir du pays. Tel est mon modeste point de vue sur cette question bilan des dix années du Président Ali BONGO ONDIMBA.
Ginews : Monsieur le Président ! Vous dites plus haut que le Président Ali Bongo Ondimba serait un libéral au regard des premières décisions qu’il a eu à prendre dès sa prise de fonction à la tête du pays en 2009. Comment expliquez-vous que les gouvernements successifs qu’il a nommé ne parviennent–ils pas à mettre en musique sa vision économique. N’y a-t-il pas un conflit d’approche avec les hommes à qui il confie cette mission ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Dans votre question qui me semble vouloir parler de la manière de concevoir l’économie par le Président Ali BONGO ONDIMBA ou encore de quel courant de pensée économique appartient-il ? Je puis vous assurer que dans les décisions de politiques économiques que vous prenez, l’on peut parfois déceler d’entrée de jeu de quel courant de pensée économique vous vous rattachez. Pour mon approche de la science économique parlant de l’économie positive, Vous aurez très certainement du mal à me coller une étiquette, car je suis un économiste hétérodoxe dans un sens radical. Non seulement je conteste l’orthodoxie présentement constituée par une science abstraite des marchés, mais, en outre, je ne reconnais à aucun courant de pensée économique la capacité de constituer un modèle central dominant tous les autres. Selon moi, la boite à outils d’un économiste rigoureux comprend des concepts et des raisonnements hérités des penseurs libéraux, mercantilistes, marxistes, keynésiens, institutionnalistes, socio-économistes, etc. Et ma boite à outils personnelle va bien au-delà, car je ne crois pas à la possibilité d’une science strictement économique. Pour moi, l’économie est seulement une branche d’une anthropologie générale qui combine les travaux de multiples disciplines à savoir : ethnologie, sociologie, économie, histoire, psychologie, neurobiologie, éthologie, etc. En réalité, il se pose un problème d’homme et de vision en termes de priorités. Je vous ai parlé tantôt du choix qui est au cœur de tous les mécanismes économiques ? Je vous prends deux exemples simples. Le choix économique est bien différent pour l’État. Son objectif ne peut être que d’œuvrer pour le bien commun. Pour les libéraux un des courants en économie, l’État doit se borner à offrir les meilleures conditions pour que l’initiative individuelle puisse s’épanouir. L’État ne doit remplir que les fonctions régaliennes à savoir : l’armée, la police, la justice, la monnaie. L’État gendarme en quelque sorte. D’autres économistes assignent à l’État un rôle plus important : maximiser le bien-être, notamment par la redistribution des richesses. Il est du rôle de l’État de gérer les externalités qui sont les retombées des opérations marchandes qui ne sont pas prises en compte par le marché etc. Vous comprenez donc qu’un manager de l’économie doit avoir l’art de bien administrer le domaine familial et, par extension, l’art de bien gérer la production, la répartition et l’échange des biens dans la cité.
Ginews : Votre mot de fin Monsieur le Président !
Francis Jean Jacques EVOUNA : Réaliser une ambition collective pour le Gabon n’est pas simple. Il est fondamental de rappeler que si nous ne réglons pas, courageusement et durablement, le problème des grands déséquilibres économiques du Gabon, notre pays ne sortira pas durablement du chômage. Ces déséquilibres se manifestent par le poids, toujours insupportable, des dépenses publiques, de la protection sociale, des retraites, des déficits de l’État et de la sphère publique dans son ensemble, ainsi que par l’endettement du pays qui atteint des records triste malgré les satisfecit du FMI qui se contredit en demandant l’amélioration de la gouvernance. Ces grands déséquilibres de l’État se trouveront tôt ou tard sous forme de fiscalité complémentaire sur les ménages et sur les entreprises. Ils se traduiront également sous forme de complexité accrue en termes de réglementation sociale, fiscale, environnementale, puisque les impôts, taxes et charges sont le fruit de lois, de décrets, de directives et de règlements divers et variés, qu’il s’agit de connaître, d’étudier, de comprendre, d’appliquer, et qui vous sont imposés. Ce qui entraînera irrémédiablement un affaiblissement de notre compétitivité déjà assez mal portante, par des charges supplémentaires, et ce qui induira inéluctablement une montée encore plus forte du chômage au Gabon puisque nous seront de moins en moins compétitifs. Tout ceci peut donc se résumer de la manière suivant : Les déficits d’aujourd’hui créent les charges de demain et le chômage d’après demain je paraphrase là le Chancelier social-démocrate HELMUT Schmidt qui avait énoncé il y a plus de trente ans je cite : les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après demain. L’urgence absolue pour le pays est donc de réduire les dépenses publiques, avant que nous nous retrouvions dans une situation financière et économique catastrophique. Le pays je pense que cela a toujours été l’ambition du Président Ali BONGO ONDIMBA de créer un choc de compétitivité par la compétitivité-coût car le pays à besoin sans attendre d’un choc de compétitivité sur ce que les spécialistes appellent la compétitivité-coût, pour donner un coup de fouet à notre économie. je vous remercie…
Propos recueillis, par Edouard Dure