Gabon : somnambule au bord du gouffre ?
22,5%, c’est l’augmentation du nombre de députés à laquelle la dernière révision constitutionnelle a donné lieu. C’est aussi, en toute logique, l’augmentation de la masse salariale de l’assemblée nationale à laquelle il a été procédé il y a moins de cinq mois. Une décision politique objecteront certains ; une réponse irresponsable rétorqueront d’autres puisque la dégradation de la situation des finances publiques était connue lorsque cette réponse politique a été choisie.
Comment ne pas s’étonner de cette information livrée par le communiqué final du dernier conseil des ministres appelant à une réduction de la masse salariale de l’État ? L’appel à la réduction de la masse salariale est donc une reconnaissante poignante, tardive de la réalité et de la gravité de la crise.
Il n’y a pas si longtemps, en 2016 à l’occasion de la campagne électorale pour l’élection présidentielle, les candidats ont décliné leurs projets de société et leurs visions de l’évolution souhaitée de notre pays. Plusieurs de ces projets ont versé dans le populisme et tourné le dos à la réalité de la situation économique, financière et sociale du pays, refusant de débattre des propositions de solutions susceptibles de contribuer à sortir de la situation de crise pour se focaliser sur les louanges des uns et des autres.
Parlant justement de propositions de solutions, l’axe n°2 de mon projet de société, portait explicitement sur la réduction de la taille de l’État. Depuis un certain temps, certains font leur marché dans ce projet non seulement en ne le disant pas mais encore, ce qui est plus grave, en en rejetant les hypothèses.
Ainsi, la réalité qu’on s’efforçait de cacher sous le tapis est, telle l’œil de Caen, dans la maison Gabon et nous regarde. Chaque jour elle n’a de cesse de se rappeler à notre bon souvenir car les faits économiques sont, comme disait quelqu’un, têtus. Des pensions de retraite suspendues pour grappiller de misérables petites économies ; des promesses qui tardent à être tenues aux petites et moyennes entreprises moribondes ; des dettes négociées une première fois renégociées ; des chantiers abonnés au stop and go.
La crise dont le ministre de l’économie niait encore l’existence au premier trimestre 2016 sur les chaines de télévisions internationales s’est aggravée avec les errements de la PIP, la poursuite des embauches dans la Fonction Publique sans mise à la retraite concomitante, des cabinets ministériels de plus en plus nombreux, une pyramide des âges renforcées par des mesures d’exception prorogeant les dates de mise à la retraite, la non mise en œuvre de la mesure salutaire de départs volontaires pourtant bien préparée en 2013 etc.
Bref, on alourdit depuis des années la charge salariale et même les charges de fonctionnement sans rapport avec les gains et donc les recettes perçues. Et tout cela sous l’œil incrédule des institutions financières internationales pourtant appelées au secours mais dont les préconisations sont tranquillement ignorées. Combien de temps cela peut-il durer ? Combien de temps ces institutions vont elles continuer à nous lancer la bouée de sauvetage ? Combien de temps éviterons nous un incident financier majeur ?
Tel un somnambule, le Gabon marche au bord du gouffre où l’on conduit ceux qui le gèrent réellement, ayant perdu la maitrise de son destin économique et financier en niant depuis une décennie des évidences, en jonglant avec les chiffres et les projets. Il a remis son sort entre les mains du hasard et croit que sa bonne étoile légendaire le dispensera d’une cure d’austérité qui sera d’autant plus dure qu’elle aura été mise en œuvre tardivement.
Raymond Ndong Sima